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Défense & Renseignement

Floraison des entreprises d’espionnage en Amérique

WASHINGTON – De Mohamed Ali Saleh

« Le monde secret des entreprises d’espionnage : investisseurs, commerciaux, avocats et espions », est un livre paru la semaine dernière [aux Etats-Unis, ndt], écrit par Eamon JAVERS, journaliste travaillant dans le petit journal « Politico », qui suit les hommes politiques et la vie politique de manière générale de Washington.

Le livre est à propos de la CIA, qui est devenue « gigantesque après les attaques du 11 septembre, la guerre contre le terrorisme et l’invasion de l’Afghanistan et de l’Irak, et dont la taille et le budget ont été multipliés plusieurs fois, et qui utilise désormais régulièrement des entreprises privées qu’elle finance et protège, mais se cache derrière elles », ainsi que l’écrit l’auteur du livre.

Couverture du livre

La CIA est arrivée à « Wall Street », le quartier d’affaires de New York, où elle commerce, investit et espionne, sous le couvert d’entreprises d’investissement fictives. Il y a plus d’un an, des espions de l’agence se rendirent là-bas, portant de beaux costumes citadins, et s’installèrent dans des bureaux somptueux qui donnent sur l’avenue de Wall Street, avec des autorisations administratives qui semblèrent sans limites, et ils créèrent un cabinet de consultants en sécurité, pour « protéger la sécurité des entreprises et des banques », sans parler de nombreux autres cabinets d’intelligence économique qui ont été créés par d’anciens espions de l’agence.

A l’extérieur de New York, par exemple, une entreprise portant le nom de « Business Intelligence Advisors », c’est-à-dire : « Consultants en Intelligence Economique », fut créée il y a trois ans à Boston (Etat de Massachusetts). Son abréviation est « B.I.A », et l’un de ses plus grands clients est « Goldman Sachs », qui est peut-être la plus grande banque d’investissement non seulement aux Etats-Unis, mais dans le monde.

L’entreprise est dirigée par Cheryl Cook, qui quitta la CIA il y a quelques années. Elle avoue que son entreprise emploie d’anciens espions, mais qu’elle travaille également avec des espions qui sont encore agents de la CIA.

BIA travaille avec des contrats annuels allant de 250,000 dollars à 500,000 dollars par an pour ses clients. L’auteur du livre affirme qu’il a obtenu des documents de BIA sur son offre de services, parmi lesquels on peut citer : la mise à disposition des entreprises de machines secrètes qui détectent, d’abord, le mensonge chez les investisseurs et les clients ; et collectent ensuite des informations en provenance d’entreprises concurrentes ; puis collectent enfin des informations en provenance de pays étrangers.

Ces entreprises n’utilisent pas des outils classiques, comme le détecteur de mensonges, mais des méthodes psychologiques et technologiques sophistiquées, ainsi que des détecteurs à distance, qui enregistrent par exemple les battements du cœur à distance.

Le livre évoque se qui s’est produit en 2006, lorsque la présidente de la société Hewlett-Packard, Patricia Dunn, avait conclu un contrat avec une entreprise de renseignement pour espionner les membres de son comité de direction, et les journalistes qui enquêtaient sur ses problèmes avec le comité de direction, particulièrement parce que des journaux comme « Los Angeles Times » et « San Francisco Chronicle » avaient publié des secrets sur ces problèmes. Patricia Dunn soupçonnait certains membres de son comité de direction d’être à l’origine de ces fuites dans la presse.

L’entreprise à laquelle Patricia Dunn fit appel utilisa la méthode « Prétexte », ses espions s’étant faits passer pour des journalistes ou des investisseurs, pour découvrir la provenance des informations secrètes sur Hewlett-Packard.

A cette époque, le scandale éclata, et Patricia Dunn fut obligée de démissionner. Le Congrès américain discuta même de l’affaire, et une loi interdisant ce genre de pratiques fut même votée.

Mais avec la mondialisation et la complexité des investissements et des relations entre les entreprises, les gouvernements et les organisations, ce type d’espionnage ne s’arrêta pas : on constate au contraire que le nombre d’entreprises d’espionnage mondiales (le mot « espionnage » n’est plus honteux) a considérablement augmenté. Ces entreprises ont désormais des façades respectables et des sites sur Internet, et cherchent des informations secrètes sur des entreprises ou des personnes contre des récompenses financières. Elles utilisent des méthodes comme :

D’abord : des satellites pour prendre des photos, obtenir des cartes géographiques ou pister les mouvements de personnes, comme par exemple suivre les déplacements d’une personne d’une société X à une société Y ;

Deuxièmement : des entreprises de collecte d’ordures fictives, qui collectent les ordures des maisons de grands hommes d’affaires ou de grands investisseurs, espérant trouver dans les ordures des documents intéressants jetés par inadvertance par leurs propriétaires ;

Troisièmement : des entreprises de sécurité qui mettent à disposition des banques et des entreprises des agents de sécurité, qui travaillent en sous-main ensuite pour les sociétés de renseignement et collectent des documents en secret sur les banques ou les entreprises.

L’auteur du livre commente ce phénomène en disant : « Cela n’est pas étonnant dans le cadre de la mondialisation et l’accroissement de la concurrence entre les banques et les entreprises. Cette concurrence est devenue aussi importante que celle qui existe entre les Etats ».

L’auteur ajoute : « Ces métiers semblent excitants et plaisants. Et en effet, un grand nombre de personnes se dirige vers eux, particulièrement les jeunes diplômés, qui veulent des métiers excitants et riches en aventures. Mais la vérité est néanmoins que ces métiers d’espionnage, s’ils ne violent pas la loi, appellent l’attention quant à leur moralité ».

Le livre comporte par ailleurs un chapitre concernant les noms des sociétés fictives et d’espionnage, particulièrement des entreprises qui appartenaient secrètement à la CIA, comme « Civil Air Transport (CAT) », qui fut créée il y a environ un demi-siècle, et travailla à la marge de la Guerre de Corée (entre 1950 et 1953), et face à la révolution en Chine (en 1948). La compagnie « Air America » fut aussi créée à cette époque.

Le livre n’exclut pas qu’il y ait aujourd’hui des compagnies aériennes, des entreprises médiatiques ou de restauration qui appartiennent secrètement à la CIA, notamment à cause de la guerre contre le terrorisme, la guerre d’Afghanistan et d’Irak. Il évoque également des sociétés qui publient des journaux et possèdent des chaînes de télévisions ou de radio en Afghanistan et en Irak, et qui sont en réalité des façades du Pentagone et de la CIA.

Le livre indique enfin qu’il existe des organisations humanitaires et caritatives qui appartiennent à la CIA et au Pentagone, et qu’il y a des compagnies aériennes qui collectent et transportent des aides humanitaires, mais sont en réalité des façades secrètes.

ASHARQ AL AWSAT, n° 11398, 11 février 2010. Traduction de F. Mohsen pour METIS-ACIE.

Cliquer ici pour lire l’article original en arabe.

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