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Guerre éco. & sécurité

Retour sur l’affaire d’espionnage chez Michelin

Le 03 mai 2010, Marwan Arbache, ancien cadre de Michelin, leader mondial du pneumatique, a été jugé en correctionnelle à Clermont-Ferrand pour avoir tenté de vendre des secrets industriels à l’entreprise japonaise Bridgestone, le principal concurrent de Michelin. Une peine de dix-huit mois de prison dont six mois ferme ainsi qu’une amende de 10 000 euros a été requise contre lui. Le tribunal a mis sa décision en délibéré au 21 juin 2010.

L’affaire se passe à l’été 2007. Marwan Arbache a déjà depuis quelques mois quitté Michelin après sept ans de maison. Il était alors responsable au sein de la division poids lourds Europe. En juillet, celui-ci propose à Bridgestone, via un courrier électronique, des données confidentielles contre une somme de 100 000 livres sterling. Pour le fabricant nippon, il est hors de question de se mettre en danger avec ce genre d’arrangement. Bridgestone alerte donc immédiatement le manufacturier français.

Michelin, particulièrement célèbre pour la gestion de sa sécurité, a d’abord enquêté de son côté pour démasquer l’auteur des fuites. Avec l’accord de Bridgestone, les responsables de la sécurité créent un personnage, Fukuda, pour se mettre en relation avec Pablo de Santiago, le pseudonyme d’Arbache. Le piège est tendu. Arbache, pour prouver la qualité de ses informations, fournit des extraits de documents. Il est notamment question d’un nouveau procédé de fabrication de pneus de poids lourds. L’étau se resserre. Michelin porte plainte et, au début du mois de janvier 2008, Marwan Arbache est mis en examen.

Les charges retenues contre lui sont la « livraison à une entreprise étrangère de renseignements dont l’exploitation, la divulgation ou la réunion est de nature à porter atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation » ainsi que « violation des secrets de fabrique et abus de confiance ».  La peine encourue est de dix ans de prison et 150 000 euros d’amende. Pour Michelin, la livraison de ces secrets aurait été un coup dur dans un secteur particulièrement rentable et qui représente 30% de ses ventes, ce qui explique les chefs d’inculpation très lourds.

La peine sera plus « clémente ». En effet, en procédant de la sorte pour identifier l’auteur des fuites, Michelin a donné l’opportunité à l’avocat d’Arbache de plaider le fait que, d’une part, aucun document n’a été vendu et que, d’autre part, si cela avait été le cas, ils seraient allés directement dans les mains de Michelin.

Déjà victime en 2005 d’un célèbre acte d’espionnage industriel avec le vol du « pneu magique » lors d’un rallye au Japon, cette affaire repose la question de la stratégie de Michelin quant à sa politique du secret. Depuis toujours, le manufacturier français a développé un culte du secret autour de ses innovations pour éviter de les rendre publiques à travers les brevets. Obligé de s’aligner sur une concurrence qui dépose énormément de brevets, Michelin a opté pour plus de transparence pour éviter que ces innovations, développées dans le secret, soient brevetés par une autre entreprise. Toutefois, la culture du secret reste très ancrée dans la firme auvergnate.

Plus largement, cette affaire nous rappelle les manques du droit français dans le domaine de la protection de l’entreprise et de la lutte contre l’espionnage industriel. Alain Juillet s’est cassé les dents sur ce dossier durant son mandat de HRIE. C’est aujourd’hui l’une des principales missions du nouveau délégué Olivier Buquen. L’idée est de s’inspirer de la législation américaine et du Cohen Act où le vol de secret des affaires est un crime fédéral puni d’une peine maximum de quinze ans de prison et dix millions de dollars d’amende.

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