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IE et droit

La finance islamique : une solution à la crise ? (partie 2)

3. La finance islamique compatible avec le droit français ?

Le droit français est-il compatible avec la finance islamique ? Quels furent les aménagements nécessaires ? En quoi Paris peut-il devenir demain la place forte de la finance islamique en Europe ?3.1 Paris plus attrayant que Londres pour la finance islamique ?

La compatibilité de principe de la finance islamique avec l’ordre public français

Très tôt, des experts se sont regroupés pour s’interroger sur la compatibilité du droit français avec les principes de la finance islamique. De ce point de vue, l’initiative de « PARIS-EUROPLACE » est remarquable à plus d’un titre :

- Une première commission dirigée par Messieurs JOUINI et PASTRE a porté sur les « Enjeux et les opportunités du développement de la finance islamique pour la place de Paris », 2008.

- Une deuxième commission dirigée par Monsieur AFFAKI s’est attachée à résoudre la délicate question du règlement des différends dans les finances islamiques – « Rapport du groupe de travail sur le droit applicable et les règlements des différends dans les financements islamique », 2009.

Le groupe de travail constitué autour de Monsieur AFFAKI a tenté de démontrer que le droit français réserverait un meilleur accueil aux principes financiers de la charia que le droit anglais, ce qui accroît l’attractivité de la place de Paris face à la City de Londres.

Le prétexte d’un contrat de finance international permettait de réfléchir à une éventuelle incompatibilité à l’ordre public français des principes financiers de la charia. Plus précisément, il s’agissait de présupposer l’accueil que réserverait un tribunal arbitral français à un contrat de financement international prévoyant que les principes de la charia seraient applicables à la résolution des différends nés de l’exécution dudit contrat.

A titre d’exemple, la place arbitrale londonienne dans une décision « beximco » (Shamil Bank of Bahrain Ec vs Beximco Pharmaceuticals Ltd) a refusé à la charia toute normativité n’y voyant que des règles religieuses. La commission dirigée par Monsieur AFFAKI a démontré qu’a priori en France un juge ou un arbitre devrait au contraire accueillir favorablement une clause de droit applicable renvoyant à la charia (quelque soit le mécanisme de la clause : clause de tronc commun, clause mixte ou clause unitaire – la charia sera, selon l’hypothèse, une référence à titre principal, subsidiaire ou correctif).

Le groupe de travail base son analyse sur le principe des différents différends arbitrés sous la seule référence à la « lex mercatoria ». En l’absence de toute autre référence, la place donnée à l’autonomie de la volonté des parties permet bien en matière internationale de compromettre l’application des lois nationales, le contrat pouvant être la seule loi des parties dans la limite de l’ordre public du pays où l’exequatur sera demandée (L’exequatur est une procédure visant à donner dans un État, force exécutoire à un jugement rendu à l’étranger).

En l’espèce, les principes de la finance islamique sont clairs et n’ont pas a priori à être interprétés contrairement aux textes de la charia relatifs à la morale et à la vie religieuse qui eux peuvent être interprétés en fonction d’un problème donné de façon différente (seuls les sunnites considèrent que l’idjtihad, l’interprétation des textes, n’est plus possible).

Le travail de codification des principes de finance islamique par l’Accounting and Auditing Organisation for Islamic Financial Institutions (AAOIFI) va dans le sens d’une lecture uniforme non aléatoire des principes de la finance islamique. Ajoutons que les banques utilisent souvent les mêmes « sharia boards » et les mêmes muftis, ce qui fait que les principes de la finance islamique se traduisent uniformément sur les produits et actifs financiers structurés par lesdites banques.

Compte tenu de cela, le groupe de travail a estimé que la normativité de la charia ne serait pas discutée ou du moins contestée en France. Après quoi, PARIS EUROPLACE a cherché via le rapport JOUINI PASTRE à mettre en place le cadre législatif et réglementaire permettant d’attirer les investissements islamiques. Certaines initiatives politiques lui ont emboité le pas.

3.2. La mise en place du cadre législatif et réglementaire permettant l’immatriculation de banques islamiques

La double initiative politique du pouvoir législatif et du pouvoir exécutif

L’implication directe de Madame LAGARDE dans le « dossier des investissements islamiques » est une évidence. Sur ce sujet, la ministre a multiplié les déclarations et les interviews. Sans doute sous son impulsion, divers rescrits et instructions fiscales ont permis de neutraliser des phénomènes de double taxation que des investissements charia compatibles auraient générés en France.

Retenons de façon succincte qu’en France le mécanisme de la fiducie utilisé par la finance islamique imposait à deux reprises le même actif sur la base de droit d’enregistrement : une fois quand celui-ci entrait dans le patrimoine du constituant, puis une autre fois dans le patrimoine du trustee. C’était là un inconvénient majeur aujourd’hui résolu grâce aux directives de l’administration fiscale.

Monsieur MARIANI a par ailleurs proposé une adaptation des articles du code civil relatif à la fiducie pour les rendre compatibles à la finance islamique. Son amendement a été voté sans difficulté avant d’être censuré par le Conseil constitutionnel pour des questions de procédure. L’amendement MARIANI s’est analysé comme un « cavalier législatif » voté dans un ordre du jour sans lien avec son objet. Le Conseil constitutionnel dans sa décision n’a dit mots sur la compatibilité de la finance islamique avec la constitution. D’aucuns voient dans le silence du conseil une validation a priori de la finance islamique, arguant que le Conseil aurait au surplus du vice de procédure législative censuré pour inconstitutionnalité s’il avait vu dans les principes de la finance islamique une trace d’inconstitutionnalité. En la matière, la plus grande réserve est permise car le Conseil constitutionnel s’est sans doute simplement réservé la faculté de ne pas répondre aujourd’hui…

4. Bon vent à la finance islamique

Il nous est possible de penser que lorsqu’il est question de concurrence, il s’agit de sous-entendre qu’avec la multiplication de banques islamiques les commissions pratiquées par celles-ci devraient baisser de façon significative du fait de la concurrence en se rapprochant du marché.

Grâce à la concurrence, le coût de la finance islamique devrait donc s’harmoniser avec celui de la finance classique. C’est à mon avis important de le dire et personne ne le dit trop : le coût de la finance islamique et son caractère unilatéral, puisque fixé par le banquier, sont les seuls véritables reproches qui tiennent.

Ce développement est valable pour les pays où il y a déjà des banques islamiques, la concurrence ne pouvant que le conduire à limiter les taux de commissions.

Le raisonnement est encore plus fondamental dans des pays comme la France où les premières banques islamiques ouvrent : la création d’un monopole ou profit d’un nombre très limité d’opérateurs conduirait peut-être ceux-ci à pratiquer des taux de commissionnement équivalents aux « taux saoudiens ». La réussite de la finance islamique en France ne deviendrait alors qu’hypothétique.

Pour ne pas louper l’introduction de la finance islamique en France, il est souhaitable que de nombreux opérateurs s’établissent sur le territoire. Ainsi, grâce à la sacro-sainte concurrence occidentale, la finance islamique pourrait dépasser l’une de ces limites fondamentales et peut-être impacter d’avantage « la et les finances » du monde de demain…

Pour relativiser mes propos si besoin était, en droit de la concurrence, nous avons tendance à ne pas s’attacher aux propriétés intrinsèques du produit « chose », mais surtout à son utilité. Que le mode de financement soit classique ou islamique, il s’agit de financer « une chose ». Les banques islamiques seraient donc en France déjà en concurrence avec les autres banques du point de vue de « l’offre de capitaux ». Ainsi, même si peu d’opérateurs s’installaient, les banques islamiques françaises devraient pratiquer des prix proches du marché. Cela dit, du point de vue des clients des banques islamiques, une multitude d’opérateurs est souhaitable afin d’éviter le phénomène de « clientèle captive ».

Bon vent à la finance islamique !

Pierre-Julien PERNAUD
Master 2 Droit des Affaires et Fiscalité / DJCE – Certificat d’études spécialisées en droit et fiscalité du commerce international.

Discussion

2 commentaires pour “La finance islamique : une solution à la crise ? (partie 2)”

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    Posté par nursing schools | 5 juin 2010, 7 h 03 min
  2. bonjour
    si la finance islamique telle que vous la présentez était si bonne pour l’humanité, comment expliquer la fuite de millions de musulmans de leurs pays musulmans pour s’installer dans des contrées où la l’on est si peu éthique selon vous en affaires?
    si ce système était bon, les pays musulmans auraient été des paradis. or ce sont des enfers. et en important leurs pratiques ici, vous copiez ceux qui sont pires que vous au lieu d’aller voir ceux qui sont mieux que vous. les norvégiens par exemple ou les suédois.
    les musulmans pratiquent la peine de mort, pourquoi ne pas l’importer aussi en france? pour les pédophiles par exemple? moralisons la société tant qu’on y est et pas seulement la finance!

    Posté par Jean Roussel | 6 juillet 2010, 0 h 19 min

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