La revue de presse de l’IE : mois de Janvier

Les Echos.fr : 5 janvier 2011

« La France serait le plus grand espion industriel d’Europe »

 

« Plus que la Chine et la Russie, la France serait particulièrement active en matière d’espionnage industriel, selon le journal norvégien Aftenposten citant des télégrammes  de l’ambassade américaine à Berlin, obtenus par WikiLeaks.

«La France est l’Empire du Mal en ce qui concerne le vol de technologies, et l’Allemagne le sait»,  déclarerait à ce propos Berry Smutny, dirigeant du petit fabricant allemand de satellites OHB Technology, dans l’une de ces notes diplomatiques. L’Allemagne, avec son gouvernement décentralisé, ne serait toutefois pas disposée à contrecarrer les activités françaises d’espionnage industriel, ajoute-t-il. «S’épanchant abondamment sur son mépris pour les Français, Smutny explique que l’espionnage industriel français est tellement étendu que, dans leur totalité, les dégâts infligés à l’économie allemande sont plus importants que les dégâts provoqués par la Chine ou la Russie» rapporte le télégramme.

Il y a tout juste un an, OHB Technology avait remporté à la surprise générale  et aux dépens d’Astrium, filiale du géant EADS, un contrat pour la construction de plusieurs satellites destinés au programme de navigation Galileo, futur «GPS» européen. La PME allemande est aussi le principal acteur dans le programme allemand de construction de satellites d’observation optique (HiROS). «Le projet initial était qu’EADS-Astrium à Friedrichshafen (Allemagne) conçoive, construise et exploite HiROS conjointement avec l’agence spatiale allemande DLR», peut-on également lire dans le télégramme. «Mais quand il est apparu évident aux yeux de DLR et des dirigeants allemands d’Astrium que la France, à travers son influence dans EADS-Astrium, essaierait de saborder le projet de peur que HiROS n’entre en concurrence avec les activités satellitaires commerciales françaises, la décision a été prise de faire d’OHB le principal contractant», ajoute la note. »

La Tribune : 5 janvier 2011

« Les nouvelles frontières de l’intelligence économique » (par Olivier Buquen)

 

« Créée il y a quinze mois, la Délégation interministérielle à l’intelligence économique (D2IE) a élaboré la stratégie de l’État en matière d’intelligence économique, que le Conseil des ministres a approuvée récemment. »

« L’État s’est organisé pour disposer d’un système de veille structuré, fondé sur des moteurs de recherche dédiés et sur son réseau préfectoral et diplomatique. À partir de là, dans une économie ouverte et mondialisée, sa stratégie en matière d’intelligence économique consiste à favoriser la compétitivité des entreprises et à renforcer leur sécurité économique.Quels sont les leviers de l’intelligence économique pour soutenir cette compétitivité ?

 On en compte trois principaux :une meilleure valorisation de la recherche publique au profit des entreprises ; un accord comme celui qui a permis à STMicroelectronics de bénéficier d’innovations produites par le CEA est exemplaire ;une plus grande capacité à exporter : c’est l’objet du soutien de l’État aux contrats stratégiques ; c’est aussi le travail au quotidien d’Ubifrance ;une plus grande influence de la France dans les institutions économiques, scientifiques et techniques internationales : les normes techniques qui concernent nos entreprises, décidées à plus de 80 % dans des comités internationaux, sont décisives pour la compétitivité de leurs produits. Quant à la sécurité économique, elle est essentielle dans une économie ouverte, porteuse de croissance et de développement mais aussi de menaces. »

« Les récentes déclarations du commissaire européen à l’Industrie, préconisant la création d’un organisme européen contrôlant les acquisitions d’entreprises stratégiques par des ressortissants extra-européens, en sont la démonstration. Cette extension des limites géographiques de l’intelligence économique constitue, en ce début 2011, la « nouvelle frontière » de la discipline. »

Le Point.fr : 6 janvier 2011

« Le gouvernement veut punir les entreprises laxistes »

 

« Le gouvernement, inquiet des cas d’espionnage industriel  veut renforcer la sécurité autour de ses entreprises innovantes et les contraindre à mieux se protéger, sous la menace de sanctions financières. Jeudi, le ministre de l’Industrie, Éric Besson, a déclaré avoir « demandé à l’administration de Bercy de bien vouloir renforcer les obligations de protection des entreprises industrielles qui demandent l’aide de l’État, qui nous demandent une contribution financière pour innover ».

Si jamais une entreprise se fait piller ses secrets, le ministère souhaite qu’elle soit sanctionnée. « C’est du bon sens, on ne peut pas accepter qu’une innovation financée par le contribuable français se retrouve dans les mains des Chinois », a indiqué une source proche du ministère de l’Industrie. »

« Une autre piste suivie est la création d’une catégorie de documents classés « confidentiel entreprise », sur le modèle de « confidentiel défense », indique-t-on encore au ministère de l’Industrie. « Si l’on divulgue le contenu de tels documents, on risquera des sanctions civiles et pénales », selon cette source. Le texte est actuellement soumis pour consultation au Conseil d’État. Une fois cette étape franchie, il devrait être intégré dans un projet de loi. »

Les Echos.fr : 6 janvier 2011

« Espionnage chez Renault : Besson réclame un renforcement de la protection du secret industriel »

 

« L’enquête interne, qui a duré plusieurs mois, «a permis d’identifier un faisceau d’éléments convergents attestant que les agissements de ces trois collaborateurs étaient contraires à l’éthique de Renault, et mettaient en risque consciemment et délibérément des actifs de l’entreprise», justifie encore dans ce document, Christian Husson, le directeur juridique et déontologue du groupe, sans plus de détail sur cette investigation déclenchée par le comité de déontologie du groupe. Des faits qui inquiètent maintenant l’Etat  encore actionnaire à 15% de Renault.

Plus tôt sur RTL, Eric Besson (photo), ministre de l’Industrie, avait indiqué qu’après avoir discuté avec le constructeur, l’affaire d’espionnage  qui secoue le groupe automobile lui paraissait «sérieuse»,  jugeant même  que l’expression «guerre économique» était «adaptée» dans ce cas.

Cette affaire «illustre une nouvelle fois les risques pour nos entreprises en matière d’espionnage industriel, en matière d’intelligence économique», a-t-il expliqué en indiquant avoir demandé aux services de Bercy de renforcer les obligations en matière de sécurisation du secret industriel pour les entreprises bénéficiant d’argent public. »

Intelligence Online : 6 janvier 2011

« EPEE, la société de sécurité et d’intelligence économique dirigée par Jacques Hogard, n’a pas ouvert son capital comme nous l’indiquions par erreur dans notre dernière édition (). Ce sont ses trois fondateurs – Jacques Hogard, Patrick Vaugien et Véronique Botton – qui ont repris à la fin de l’année dernière 51% du capital de l’entreprise, détenu à 100% depuis 2005 par la Financière de Rosario. Cette société financière, dirigée par Jean-François Michaud, reste actionnaire d’EPEE à hauteur de 49%, mais doit encore rétrocéder cette année 9% aux trois dirigeants. »

Intelligence Online : 6 janvier 2011

« Control Risks vient de recruter l’ancien chef d’état-major Richard Dannatt. Ce dernier, qui a dirigé les forces britanniques de 2006 à 2009, sera consultant de la société de sécurité et d’intelligence économique, présente notamment en Irak, où elle loge les représentants permanents de Total sur son compound. Control Risks a toujours employé d’anciens hauts gradés de l’armée britannique : jusqu’à l’année dernière, l’un des administrateurs du groupe était Michael Rose, qui fut le commandant des SAS de 1979 à 1982. »

Intelligence Online : 6 janvier 2011

« ADIT : pourquoi Butler a gagné »

 

« Mieux-disant sur le prix, Butler Capital a aussi accepté un pacte d’actionnaire contraignant pour entrer au capital de la société d’intelligence économique publique ADIT.

C’est dans les prochaines semaines que Butler Capital Partners, le fonds de l’inspecteur des finances Walter Butler, doit finaliser le rachat d’une participation majoritaire au capital de l’ADIT. Butler a été préféré le 23 décembre à HLD, le nouveau fonds de Jean-Bernard Lafonta (qui fait l’objet depuis fin décembre d’un redressement fiscal de près de 100 millions d’euros). Butler aurait, selon nos informations, offert autour de 20 millions d’euros pour 66% de l’ADIT. Il s’est en outre engagé à financer toutes les opérations de croissance externe de la société d’intelligence économique.

Bientôt actionnaire majoritaire, Butler Capital ne disposera cependant que des droits d’un minoritaire. Le fonds s’est engagé à laisser à l’Etat, qui garde 34% de l’ADIT, un droit d’agrément sur tout repreneur, ainsi qu’un veto sur tout changement de la direction de la société. L’ADIT menant des missions sensibles pour des groupes publics ou semi-publics, toute acquisition ou cession d’actif de l’entreprise devra aussi être validée par l’Etat.

Egalement candidat à l’entrée au capital de l’ADIT, la société d’assurance-crédit Coface avait, contrairement à ses concurrents, soumis une offre pour ne prendre qu’une participation minoritaire de 20% dans la société. Les incertitudes sur l’avenir de la Coface – son actionnaire, Natixis, souhaite s’en désengager – ont cependant conduit l’Etat à ne pas donner suite à cette offre. »

Aujourd’hui en France : 6 janvier 2011

« Du piratage à la déstabilisation, tous les coups sont permis »

 

« Selon la Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI), plus de 3000 entreprises françaises sont chaque année victimes de ce que l’on appelle pudiquement de « l’ingérence économique ». Environ 17% de ces attaques concernent directement le vol ou la reproduction du savoir-faire, 11% les intrusions informatiques (un chiffre en croissance exponentielle!) et 11% les intrusions physiques (cambriolages).Parmi les autres modes opératoires, on note également des opérations de déstabilisation de réputation, par le biais notamment de fuites bien médiatisées, souvent sciemment déformées, mais également des piratages de brevets, des manipulations financières ou tout simplement de la contrefaçon.Ces pratiques ont connu ces deux dernières années un développement directement lié à la crise économique. 

Les Anglo-saxons et les Chinois ont la réputation d’être les plus féroces sur ce plan.Dernier-né dans leur arsenal : le « social engineering », ou comment manipuler les salariés d’une entreprise cible grâce à de faux entretiens de recrutement!L’espionnage dans les soirées où, l’alcool aidant, certaines langues se délient, est également à la mode, mais bien moins que les opérations séduction grâce à de jolies espionnes, véri-tables Mata Hari de la guerre économique*.

Les systèmes de défense des entreprisesFace à ces risques, les entreprises se protègent. Renault emploie ainsi des spécialistes de la sécurité informatique et d’autres issus des services de police ou de contre-espionnage. Il impose aussi des chartes de déontologie et d’éthique à ses salariés. « Mais le personnel des entreprises n’est pas toujours réceptif », observe Benoît de Saint-Sernin, fondateur et directeur de l’Ecole européenne d’intelligence économique. Pour mieux protéger les informations stratégiques des entreprises, la délégation interministérielle à l’Intelligence économique envisage la création d’un texte et d’une incrimination pénale sur l’atteinte au secret des affaires. »

Les Echos.fr : 7 janvier 2011

« Robert Guillaumot : « Il y a des idées à prendre dans l’Economic espionage Act » »

 

« Robert Guillaumot, qui est l’un des initiateurs de l’intelligence économique en France et l’un des fondateurs du Club des Vigilants, livre un éclairage sur l’affaire Renault. »

« Faut-il s’inspirer de l’Economic espionage Act de 1996 adopté aux Etats-Unis ? Il y a sûrement des idées à prendre.

Il reste que le problème fondamental qui se pose est celui de l’honnêteté et de la loyauté des dirigeants et des cadres qui détiennent des informations touchant à des actifs stratégiques. Comment s’en assurer ? Pour corriger cette faiblesse humaine liée au « MICE » (Money, Ideology, Compromission, Ego) cher aux américains, la solution adoptée par certains est celle des « menottes en or ». En accompagnement de rémunérations très élevées, elle prévoit des engagement de confidentialité drastiques dans les contrats, engagements qui perdurent pendant de longues années, même si l’intéressé quitte l’entreprise.

Pour être efficaces toutes ces mesures doivent néanmoins prendre place dans un dispositif global et systémique de contre-intelligence économique et de vigilance qui puisse garantir un niveau de risque acceptable, à trouver entre une haute protection des secrets et l’échange et la circulation indispensables du savoir dans l’écosystème au centre duquel l’entreprise évolue. »

Les Echos.fr : 7 janvier 2011

« Pour se protéger de l’espionnage industriel, les entreprises comme Renault, peuvent aujourd’hui compter sur un ensemble de textes sanctionnant l’abus de confiance et l’obtention frauduleuse d’informations. Cet arsenal juridique permet de couvrir 95% des cas. Mais des lacunes existent. Au point que certains appellent à une réforme de la législation, explique Me Thibaut du Manoir de Juaye , avocat spécialiste de l’intelligence économique. »

 

« Que recouvre dans le droit français la notion d’espionnage industriel ?

Le droit général sanctionne l’abus de confiance : lorsqu’un salarié utilise des informations qui lui ont été confiées dans un but précis à d’autres fins. Cette incrimination a été utilisée dans le cas opposant Valeo à une stagiaire chinoise et, plus récemment, dans les affaires Clearstream et Michelin (1) .Outre le détournement de finalité, la loi française sanctionne l’obtention frauduleuse d’informations via un ensemble de textes disparates sur la violation de domicile, l’intrusion informatique, le recel, etc.

Cet arsenal juridique permet de couvrir 95% des cas. Mais la tentative d’abus de confiance n’est pas pénalement sanctionnable et ne peut donc être retenue par l’entreprise comme un motif de licenciement. De même, l’infraction à des mesures de sécurité par négligence n’a pas de conséquences. Il y a donc des lacunes juridiques.

En fait, la difficulté provient du fait que le code pénal a été rédigé en 1994, à un moment où l’informatique n’était pas aussi évoluée. Or, dans l’abus de confiance y est défini comme le détournement d’un bien quelconque. Or l’information est-elle un bien ? Les textes sur le recel, eux, évoquent un bien ou une chose. Il y là une incertitude jurisprudentielle. La Cour de cassation a admis le vol d’information dans une décision de 2008, le vol étant entendu comme la soustraction frauduleuse de la chose d’autrui .Mais sa décision n’est pas très claire et il faudrait peut-être envisager une loi sur le secret des affaires pour préciser cela. Il existe d’autres textes comme ceux sur le secret de fabrique ou sur la corruption.

Outre cette législation générale, il existe une loi sur le secret de la défense nationale punissant le fait de « livrer et rendre accessible à une entreprise des informations dont la divulgation est de nature à porter atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation », lesquels sont définis dans un autre texte qui vise« le potentiel scientifique et économique de la France ». Dans l’affaire Renault, peut-on arguer que la voiture électrique est du domaine du potentiel scientifique et économique de la France ? Dans l’affaire Michelin en tous cas, bien que le salarié ait travaillé sur un site classé secret défense, le juge n’a pas conclu à l’espionnage car il a considéré que les secrets violés ne relevaient pas de ce potentiel.

S’agissant de la définition de ces intérêts fondamentaux dans le domaine économique, il y a donc aussi manifestement une lacune et certaines personnes préconisent d’établir une liste des secteurs économiques dans laquelle ils viseront certainement à l’avenir les voitures électriques ! »

« Quels types de preuves,  l’entreprise doit-elle apporter pour confondre un salarié soupçonné d’espionnage industriel devant un tribunal ?

Au civil, toutes les preuves doivent être acquises légalement. Si ce n’est pas le cas, le licenciement d’un salarié sera reconnu sans cause réelle et sérieuse devant un conseil des Prud’hommes par exemple.

En matière pénale, cette exigence de légalité n’existe pas. Ce qui ne veut pas pour autant dire qu’une entreprise peut espionner ses salariés pour tenter de les confondre. Car la Cour de cassation considère qu’une preuve ne peut être acquise que loyalement. Tendre un piège à un salarié peut donc être considéré comme une preuve déloyale.

Dans l’affaire Michelin, Bridgestone aurait prévenu le manufacturier français qui a créé une fausse adresse Fukuda pour obtenir des preuves contre le salarié. S’agissait-il de preuves déloyales ? On ne le saura jamais, car lors du jugement, le salarié, qui avait déjà effectué cinq mois de préventive, a préféré tourner la page plutôt que de se pourvoir en cassation. La Cour de Cassation tendrait toutefois à se ranger plutôt à l’avis de la Cour européenne des droits de l’homme. Celle-ci considère qu’en principe une preuve ne doit pas être illégale mais que si l’on peut débattre contradictoirement de cette preuve illégale, elle peut être recevable. En clair, l’entreprise peut donc se risquer à tenter de piéger un salarié.

Cela c’est la théorie juridique. En pratique, il n’est pas rare qu’une entreprise, par des moyens plus ou moins avouables, monte un dossier contre un salarié puis aille voir le juge et, au nom de l’article 145 du code de procédure de civile, obtienne l’autorisation de contrôler certains ordinateurs et tombe ainsi comme par hasard sur des preuves incriminant le salarié visé.

La surveillance des salariés est, quant à elle, autorisée sous quatre conditions. Premièrement, il faut que le moyen soit proportionnel au but poursuivi. Il sera par exemple plus volontiers admis qu’une entreprise écoute des commerciaux en contact avec la clientèle -comme c’est d’ailleurs souvent le cas dans les centres d’appels -plutôt qu’une secrétaire. Deuxièmement, il faut que le salarié soit informé au préalable. Il faut aussi recueillir l’avis du comité d’entreprise sur les mesures de sécurité. Enfin, si les informations ainsi obtenues sont stockées dans des fichiers, il faut aussi veiller à respecter les règles de la CNIL. En tant que magistrat au Conseil des Prud’hommes à Nanterre, j’ai déjà vu des dossiers se faire rejeter faute de déclaration à la CNIL. Au civil, c’est donc un élément invalidant. En matière pénale, c’est plus nuancé.

Pénal ou civil ? Devant quelle juridiction une entreprise a-t-elle d’avantage intérêt à engager des poursuites dans ce type d’affaires ?

Au civil, vous controlez la procédure qui offre des moyens importants de recueillir des preuves pour alimenter un dossier judiciaire. Au pénal, vous ne maîtrisez pas grand chose. Le dossier est dans les mains d’un juge d’instruction qui traitera le dossier à la vitesse qu’il jugera bonne. Il peut donc être bloqué pendant cinq ans. En revanche, si le salarié engage une procédure devant le Conseil des Prud’hommes, ce dernier peut décider d’attendre le déroulement de l’instruction pour rendre à son tour sa décision et ainsi bloquer d’autant la procédure.

Porter le dossier sur le plan pénal, revient aussi à le médiatiser. Ce qui peut avoir une valeur d’exemplarité auprès des autres salariés. Cela peut aussi conduire à étaler ses secrets sur la place publique, car le huis clos pour secret des affaires n’est pas admis. Or, à partir du moment où ils sont publics, les salariés peuvent arguer que ses secrets n’en sont pas et peser ainsi sur le verdict. Ainsi, l’affaire opposant Michelin à un de ses salariés a été fortement médiatisée mais les magistrats ont écarté les accusations d’espionnage et l’argument de secret de fabrication avancés par le manufacturier, pour ne retenir que l’abus de confiance. Ce qui a pu avoir des conséquences négatives pour le manufacturier. Il faut donc bien peser tout ces éléments avant d’opter pour une juridiction.

Que risque un salarié accusé d’espionnage industriel par son entreprise en France ?

Entre les risques de se faire prendre et les montants en jeu, il y a en France une telle disproportion que les gens n’hésitent pas à se livrer à ce type d’activité, ce qui est déplorable. . Pour l’abus de confiance, la loi française prévoit un maximum de trois ans d’emprisonnement et 375.000 euros d’amende voire un peu plus dans certains cas. La loi sur le secret défense prévoit quant à elle des peines allant jusqu’à 15 ans de détention criminelle et 225.000 euros d’amende.

En matière de sanction, la France dispose de peines beaucoup plus faibles qu’aux Etats-Unis mais dans la moyenne de celles appliquées dans la vieille Europe. Car, sur le Vieux Continent, on distingue deux blocs : celui des pays de la vieille Europe et celui des pays qui ont rejoint l’Europe après la chute du mur de Berlin. Ces derniers, ont repris la législation américaine à la virgule près. Ils disposent ainsi d’une protection spécifique. Ce qui ne veut pas dire que nous ne puissions pas nous protéger avec nos moyens. Cette loi américaine dite Cohen Act prévoit jusqu’à dix ans d’emprisonnement assorti d’amendes pouvant atteindre des millions de dollars. Mais une peine plus lourde appliquée sporadiquement a-elle réellement un effet dissuasif ? Ne vaut-il pas mieux une peine plus faible mais appliquée de manière systématique ? Il s’agit clairement d’un problème de politique pénale.

Aux Etats-Unis, les amendes réclamées sont des « punitive damages » c’est à dire de dommages et intérêts  dont le montant n’est pas calculé en fonction du préjudice. En France, le montant des dommages et intérêts doit être égal à celui des préjudices. Mais comment calculer le préjudice dans le cas des véhicules électriques pour lesquels il n’y a pas même encore de véritable marché ? En prenant en compte les seuls coûts de développement économique ? Une reforme législative pourrait peut-être s’inspirer de celle de la loi sur la contrefaçon. Depuis 2007, cette dernière, prend, en effet, en compte pour l’indemnisation des préjudices, les gains espérés ou potentiels du contrefacteur. Un petit contrefacteur du sentier qui copie les modèles de Christian Lacroix, ne cause pas de grands préjudices au couturier, puisque ses clients ne s’habilleraient de toute façon pas chez ce dernier. Mais, la loi permet de lui prendre tous ses profits.

La peine peut elle être aggravée si les informations dérobées par le salarié ont été transmises à l’étranger ? Et ce, d’autant plus si l’entreprise compte l’Etat parmi ses actionnaires comme c’est le cas de Renault ?

L’espionnage ou la trahison au profit d’un pays étranger -espionnage étant le fait d’un étranger, trahison étant le fait d’un français -sont sanctionnés par la loi sur le secret défense qui prévoit comme je l’ai déjà dit des peines beaucoup plus lourdes. A partir du moment où l’Etat met de l’argent dans l’entreprise sous forme de participation, de subventions, de crédit d’impôt recherche ou autre, l’entreprise devrait effectivement pouvoir bénéficier de ce type de protection. Mais pour l’instant ce n’est pas le cas. Et il n’existe aucune jurisprudence en la matière.

L’Etat dispose de services spécialisés comme la DCRI pour ce type d’affaires, n’est-il pas dans l’intérêt de Renault de les saisir au plus vite ?

Les moyens d’investigation de l’Etat dont la DCRI sont sans commune  mesure avec ceux des particuliers et il est ainsi plus facile de connaître les tenant et aboutissant du litige. Renault a donc intérêt à engager de toute urgence des procédures judiciaires et à solliciter l’aide des pouvoirs publics. »

La Tribune de Genève : 8 janvier 2011

« L’espionnage chez Renault mène en Chine »

 

« Le contre-espionnage français part à l’assaut des agents chinois. Le gouvernement a laissé «fuiter», hier, cette information dans les médias: la DCRI (Direction centrale du renseignement intérieur) s’est emparée de l’affaire d’espionnage industriel qui a éclaté au sein de la firme automobile française Renault. L’Elysée suit ce dossier de très près, l’Etat possédant 15% du capital-actions de ce groupe. Le ministre de l’Industrie, Eric Besson, a même parlé de «guerre économique».

Divulguée vendredi par Le Figaro, la piste chinoise est ainsi confirmée. Le Mondedaté d’aujourd’hui ajoute: «Des brevets, que Renault n’a pas encore déposés, pourraient avoir été vendus à des officines travaillant dans l’intelligence économique pour le compte d’une entreprise chinoise. » »

Le Monde : 9 janvier 2011

« Des sociétés écrans ont été constituées et des comptes ouverts à l’étranger »

 

« Selon Lepoint.fr, les trois cadres impliqués  » auraient été rémunérés au moyen de comptes bancaires à l’étranger « . Selon nos informations, le système mis en place était relativement sophistiqué, avec la constitution de sociétés écrans et l’ouverture de comptes à l’étranger, sur lesquels étaient régulièrement versées des sommes d’argent conséquentes. Un sous-traitant automobile aurait servi d’intermédiaire avec des interlocuteurs chinois.

Le député UMP du Tarn Bernard Carayon, spécialiste des questions d’intelligence économique, a confirmé, vendredi, que la piste chinoise était privilégiée.  » Les grandes entreprises chinoises ont de gros budgets recherche et développement, dont une partie est utilisée pour faire du renseignement, avec d’importants budgets pour acheter les gens « , a expliqué à l’AFP Roger Faligot, l’un des meilleurs spécialistes mondiaux de l’espionnage chinois.

Le système aurait été mis en place il y a vingt mois et s’est sophistiqué au fil du temps. A partir de l’alerte donnée en interne, pendant quatre mois, s’est instaurée une situation particulière dans laquelle les cadres soupçonnés continuaient à agir, sans savoir qu’ils étaient débusqués. Le but étant pour l’entreprise de prendre toute la mesure du système d’espionnage avant d’agir. »

Le Figaro : 10 janvier 2011

« Espionnage économique : un réveil salutaire » (par Olivier Darrason)

 

« Après l’affaire Renault, le président de la Ceis * met en garde les entreprises contre les différents risques d’intrusion. Au risque de surprendre, ayons tout d’abord la lucidité de constater, malgré l’affaire d’espionnage chez Renault, que la situation d’innocence et d’inconscience qui prévalait chez la plupart des entreprises françaises il y a moins d’une dizaine d’années a beaucoup évolué. Avec les rapports Martre et Carayon, la création d’un poste de haut responsable à l’intelligence économique, la transformation de la Direction de la surveillance du territoire (DST) en la Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI), les évolutions récentes de la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE), et jusqu’au livre blanc sur la défense et la sécurité, une réelle prise de conscience a eu lieu.

Depuis quelques années, en effet, nos grandes entreprises ont dû faire face à la croissance exponentielle  de leur exposition aux risques. C’est tout d’abord l’émergence de « l’entreprise étendue » : mobilité, internationalisation des équipes, recours massif à la sous-traitance complexe… C’est ensuite la sophistication croissante des agressions, notamment informatiques (intrusion, déni de service…).

Mais le cas présent, si les informations existantes sont avérées, est un cas plus classique, plus rare et surtout plus difficile à déceler et à combattre : celui de la défaillance interne de cadres de haut niveau, intimement liés à l’entreprise, agissant, semble-t-il, pour des raisons financières… Et peut-être au profit d’une grande puissance étrangère.

Car au-delà de ce cas qui incite à beaucoup de prudence, il y a d’autres formes de pillages technologiques, plus « soft », apparemment moins agressifs, totalement légaux mais redoutables.

D’abord la coopération scientifique qui rencontre souvent dans ce milieu un accueil enthousiaste, naïf et parfois sans limite. Ensuite, la captation des cerveaux, le « brain drain », grâce à des offres très alléchantes de partenariat technologique « que l’on ne peut pas refuser » : combien de laboratoires, externalisés en Asie ou dans le golfe Persique au sein de grandes structures high-tech, offrent tout ce que le chercheur ou le technologue a du mal à obtenir dans son « vieux pays », au contact de collègues eux-mêmes issus des grandes universités occidentales et… asiatiques ?

Ce sont enfin les offres faites aux PME de haute technologie de participer, dans ces mêmes pays émergents, à des marchés extrêmement rémunérateurs, en contrepartie de transferts de technologies, puis de rachat de tout ou partie de l’entreprise elle-même.

Comment se prémunir efficacement face à ces menaces ? Il faut d’abord inventorier dans l’ensemble de notre tissu industriel ce qui est « l’intangible », le coeur du coeur. Il faut ensuite attacher une vraie importance aux PME de haute technologie. Il faut recréer une vraie envie et aussi un vrai intérêt à créer en France et à y rester.

En 2006, le ministre de l’Intérieur, conscient de ces risques, avait lancé un grand audit de la sécurité économique des pôles de compétitivité, qui avait abouti à un « référentiel » pour tous les acteurs de chaque pôle de compétitivité, au sein desquels les risques de fuite d’information et de corruption du secret industriel et de recherche sont maximaux. Ce « référentiel » est-il vraiment appliqué par tous aujourd’hui ? Ne conviendrait-il pas de l’étendre aux grands projets et, en toutes hypothèses, à toutes les entreprises qui reçoivent des subventions publiques pour leurs travaux de recherche appliquée ? Pour sa part, le brevet constitue sans doute une protection efficace, quoique coûteuse, mais son champ d’application est limité et sa portée toute relative face aux champions internationaux de la copie et de la contrefaçon, bien peu respectueux des règles de l’Organisation mondiale du commerce (OMC).

Dans un monde ouvert et globalisé, la protection par le secret est donc plus que jamais vitale. La création d’une notion de « secret des affaires », quoique juridiquement difficile à définir, constituerait un réel progrès. Mais il s’agit aussi et surtout de mettre en oeuvre dès maintenant les outils existants pour rendre le secret pleinement opposable, tant à l’extérieur qu’à l’intérieur même de l’entreprise.

Sans oublier une « défense active », réaliste et volontariste, grâce à une démarche d’intelligence économique, pour anticiper les risques et préserver notre compétitivité par les seules armes qui nous restent : notre recherche et nos technologies. »

La Tribune : 10 janvier 2011

« « Confidentiel entreprise » : le projet de la France »

 

« Piloté par la délégation interministérielle à l’intelligence économique, un groupe de travail composé de représentants d’administrations (Bercy, justice, etc.)  et du monde des entreprises (Medef, CGPME, Afep, Synfie, etc.) a été installé au printemps 2010 afin de rédiger un projet de texte pour garantir le secret des affaires. « Il s’agit de protéger les informations stratégiques, les savoir-faire des entreprises et donc les emplois », explique Olivier Buquen, délégué interministériel à l’intelligence économique. La rédaction du projet de texte est bien avancée. Son premier volet tend à aider les chefs d’entreprise à identifier les informations stratégiques (savoir-faire, secret de fabrication, innovation, plan stratégique, fichiers des clients, projets d’acquisition, etc.). Ils pourront ainsi les estampiller du marquage « confidentiel entreprise » et dresser la liste des personnes ayant accès à ces informations stratégiques qui seront stockées et/ou cryptées en toute sécurité.Nouvelles sanctions pénales et civiles« Le premier volet du projet de texte consiste à donner un cadre juridique simple et clair aux entreprises pour mieux protéger leurs secrets d’affaires », résume Olivier Buquen. Mais une personne peut toujours arriver à divulguer ou voler des informations stratégiques. Or « il n’y a pas d’incrimination générale simple d’utilisation », insiste-t-il. C’est pourquoi, dans son second volet, le projet de texte crée une incrimination d’atteinte au violation des secrets d’affaires soumise à des sanctions pénales et civiles. Le groupe de travail réfléchit aux montants des amendes et aux peines d’emprisonnement encourues. Le projet de texte devrait aboutir dans les prochains mois. »

L’Yonne Républicaine : 11 janvier 2011

« Ces entreprises sous haute surveillance »

 

« La plupart des entreprises de l’Yonne n’ont pas pris le taureau par les cornes dans ce domaine Loin s’en faut ! Malgré la mobilisation des pouvoirs publics sur cette question, les patrons de l’Yonne, de France et de Navarre, restent bien naïfs. Même si certains d’entre eux se sont fait voler leur ordinateur contenant de précieuses données, ou s’ils ont été piratés sur le plan informatique. Les vols de fichiers clients, par exemple, ne sont pas nécessairement légion, mais on en recense de plus en plus.

« Chez moi, il faudrait que huit salariés au moins se donnent le mot pour que la chaîne de production soit reconstituée », poursuit Daniel Raymond. « Car les activités sont cloisonnées pour des raisons d’hygiène. Les salariés qui effectuent un travail, en bout de chaîne, ne savent pas précisément ce que font ceux qui se trouvent au début. » Seul le patron, selon ses dires, serait en mesure de fournir clé en mains le savoir-faire de l’entreprise. Mais celle-ci, qui exporte dans 23 pays, et fabrique près d’un millier de produits différents, a le vent en poupe depuis longtemps. C’est une entreprise qui marche fort, malgré les difficultés dues à la crise. Elle emploie 75 salariés, alors que son chiffre d’affaires annuel atteint 10 millions d’euros. En 2010, elle a vendu la bagatelle de 125.000 pots de conserve. On peut donc imaginer qu’elle attise les convoitises. Et que des concurrents potentiels tentent d’en extraire la substantifique moelle.

« On ne peut pas me voler mes brevets », rigole Daniel Raymond. « Je n’en ai pas déposé. De toute façon, si on veut nous voler notre méthode, il n’y aura rien à faire. Mais il faudra que ce soit quelqu’un de la maison. » Comme le soulignent les gendarmes auxerrois qui travaillent sur le sujet, « le facteur humain est décisif ». « Ainsi, les stagiaires qui passent quelques mois dans une entreprise ont souvent toute possibilité pour en prélever les secrets de fabrication. »

Simplement parce qu’on leur a donné accès à toutes les données possibles et imaginables. Et qu’ils sont là comme un saumon dans l’eau. »

Ouest France : 11 janvier 2011

« L’espionnage touche tous les marchés, toutes les entreprises »

 

« Délégué interministériel à l’intelligence économique. Ancien directeur international de Plastic Omnium, et ancien maire de Carnac.

L’espionnage industriel est-il en expansion ?

Depuis trente ans, l’économie s’est mondialisée et ouverte à de nouveaux acteurs, donc à plus de concurrence et parfois à plus d’actions en marge de la loi. Globalement, l’industrie est plus exposée que les services. Ce qui est frappant, c’est que l’espionnage touche tous les marchés, toutes les entreprises, grandes et petites, toutes les régions. En fait, on doit raisonner secteur par secteur, pas par pays. C’est une erreur de stigmatiser tel ou tel pays. D’ailleurs, le tricheur est parfois un voisin proche.

Quels sont les modes opératoires ?

La part des intrusions dans les systèmes informatiques, dont on n’est pas toujours conscient est en vraie croissance. Elles visent par exemple à détourner (dupliquer), ni vu ni connu, tous les mails d’une entreprise. Elles peuvent aussi introduire un logiciel pour carrément saboter des données ou créer des informations parasites, destinées à saper l’image de l’entreprise.

S’attaquer à la réputation en utilisant Internet devient fréquent. Un concurrent monégasque du laboratoire auvergnat Théa n’avait rien trouvé de mieux que de diffuser un rapport critique bidonné sur l’un de ses produits phares (un collyre) en utilisant des cautions scientifiques fausses. Il vient d’être condamné.

Y a-t-il de vraies nouveautés ?

L’innovation des fraudeurs n’a pas de limite. L’un des phénomènes récents est le « cyber squatting. » En achetant des noms de domaines correspondant à une entreprise donnée, le tricheur peut se mettre en position de « négocier » avec l’entreprise. Ou de créer par exemple des sites à l’étranger avec la marque déposée, en distillant des informations complètement farfelues et donc préjudiciables.

En fait, le piratage industriel prend souvent des voies insidieuses, au-delà des classiques vols de photos, de documents ou de protos. Le stagiaire qui met son rapport de stage en ligne ouvre la porte, inconsciemment, à des informations précieuses. Le patron qui dépose en mairie un plan d’usine trop précis doit savoir que tous ses concurrents peuvent le consulter. Et là, en toute légalité. Quelles sont les parades ?

Les chefs d’entreprise ne doivent pas hésiter à s’informer dans les préfectures auprès des directions régionales du renseignement économique. Pour ma part, au titre de ma mission, je prépare un sur la protection des informations stratégiques de l’entreprise. Le projet de loi, qui en sortira dans les prochains mois, apportera aux sociétés un cadre juridique simple et clair pour organiser la protection de leurs informations clés. Et la possibilité d’attaquer, au civil et au pénal, les gens qui auraient violé leurs secrets. »

Libération.fr : 12 janvier 2011

« Secret des affaires, l’UMP veut conclure »

 

« Bernard Carayon, député UMP du Tarn, a redéposé hier sa proposition de loi visant à instaurer un «secret des affaires», cosignée par une centaine de parlementaires. Il s’imposerait aux cadres comme aux sous-traitants d’une entreprise. C’est la troisième tentative, en six ans, de ce spécialiste de «l’intelligence économique», successeur en ce domaine d’Alain Marsaud (magistrat puis député, entre-temps recruté chez Vivendi). Peut-être la bonne, l’affaire Renault venant à point nommé : «C’est fou la vitesse avec laquelle cette question est prise au sérieux», ironise-t-il.

Partant du principe que la «dématérialisation de l’économie rend plus diffus ce qui constitue le patrimoine d’une entreprise», il propose de renforcer la «protection juridique de l’ensemble de ses connaissances» : il ne serait plus simplement question de non-respect d’un brevet, de contrefaçon ou de violation d’un secret de fabrication, mais de vol d’une simple information plus ou moins stratégique… Avant même l’affaire Renault, Carayon et autres thuriféraires de l’intelligence économique s’étaient engouffrés dans le dossier Michelin, la montagne auvergnate accouchant finalement d’une souris. En mai 2010, un ancien ingénieur du fabriquant de pneus écopait de deux ans de prison avec sursis pour avoir tenté de vendre des fichiers internes à son concurrent britannique Bridgestone. Une condamnation a minima, compte tenu de l’accusation initiale : «atteinte aux intérêts supérieurs de la nation», excusez du peu. Un fourre-tout qui inclue, en sus de «l’intégrité du territoire» ou de «la sauvegarde de la population», le «potentiel scientifique ou économique». Outre la difficulté à définir ce «potentiel», Michelin est une société de droit suisse pour ses activités internationales (Renault est immatriculé aux Pays-Bas), quand bien même son QG français demeure en Auvergne . Le tribunal avait retenu une simple «atteinte à la stratégie commerciale de l’entreprise Michelin».

Gomme. De même, l’ingénieur indélicat avait été relaxé du délit de «violation de secret de fabrication» : son ex-employeur lui reprochait d’avoir tenté de divulguer la composition d’une future gomme de pneu, un mélange en cours d’expérimentation baptisé «Gin’s» en interne. Le TGI de Clermont-Ferrand avait renvoyé Michelin dans les cordes, car «aucun élément technique suffisamment objectif, émanant en dehors de la manufacture, ne permet d’affirmer que ce mélange constituait effectivement un procédé de fabrication particulier offrant un intérêt pratique ou commercial». Un de ses dirigeants avait benoîtement expliqué : «Michelin n’est peut-être pas le mieux placé pour apprécier le caractère fondamental de sa propre technologie.» Décryptage d’un juriste spécialisé : «La justice étant publique, une entreprise peut craindre qu’au cours du débat, des informations confidentielles ne soient exposées.» Le fabricant avait donc renoncé à défendre l’exclusivité de son Gin’s de peur d’en dévoiler la composition à la barre. Tout comme Renault, affichant fièrement ses 56 brevets déposés sur la voiture électrique (plus une centaine en cours de finalisation), a d’ores et déjà proclamé que ses salariés présumés indélicats n’auraient dévoilé «aucune pépite technologique».

Paranoïa. Que reste-t-il, alors ? L’abus de confiance. Traduction dans l’affaire Michelin, selon la déposition d’un de ses dirigeants : des «données stratégiques qui permettent de connaître les capacités de nos usines : de telles informations constituant un gain de temps pour nos concurrents qui, dans l’optique d’un espionnage industriel, pourraient se dispenser d’utiliser les techniques artisanales habituelles, tel le comptage des camions à la sortie d’une usine». Tout ça pour ça ? Carayon persiste : il existerait un champ «d’informations stratégiques» n’entrant pas dans le cadre étroit du secret de fabrication, défini comme «offrant un intérêt pratique ou commercial». Dans la paranoïa ambiante, consubstantielle au milieu des affaires, la divulgation de simples secrets d’alcôve relève d’un péché contre l’esprit corporate.

Avec Nicolas Sarkozy à l’Elysée, Bernard Carayon prêche un peu moins dans le désert. La Délégation interministérielle à l’intelligence économique, que Sarkozy avait logée à Bercy durant son passage au ministère des Finances et qui, depuis, dépend directement de l’Elysée, envisage de reprendre la proposition a son compte dans une réforme plus vaste. Selon l’AFP, au terme «secret des affaires» serait substitué un label «confidentiel-entreprise». Hervé Séveno, ancien policier et président de la Fédération des professionnels de l’intelligence économique, dit «soutenir le principe, à condition qu’il reçoive meilleure application que d’autres notions de secret bien antérieures, dont la jurisprudence raffole, mais sans efficacité réelle». »

 

Valeurs Actuelles : 13 janvier 2011

« L’espionnage industriel dont est victime Renault vient nous rappeler que l’angélisme, la candeur et la naïveté ne sont pas de mise dans la vie des affaires. Depuis plusieurs années, les pouvoirs publics appellent l’attention des industriels sur l’importance de l’ »intelligence économique » pour protéger le patrimoine scientifique et technique des entreprises. La discipline est enseignée dans les écoles de gestion, fait l’objet de mastères et la fortune de quelques sociétés privées. C’est sans doute l’une d’elles que le constructeur automobile a chargée d’enquêter sur les agissements de trois hauts responsables du groupe, dont un membre du comité exé cutif, soupçonnés d’avoir transmis à un concurrent des renseignements sensibles sur le véhicule électrique.

 Selon les déclarations au Monde de Patrick Pélata, le directeur général délégué, Renault est victime d’une filière organisée internationale. Le Figaro révèle de son côté que deux des trois cadres incriminés auraient des comptes en Suisse et au Liechtenstein sur lesquels aurait été viré le prix de leur trahison. Le commanditaire de cet acte d’espionnage serait la société chinoise Power Grid Corporation, un spécialiste de la distribution électrique.

Si ces faits sont avérés, ce que nient aussi bien les cadres mis en cause par Renault que la société chinoise, ils sont d’une exceptionnelle gravité : Renault fonde sa stratégie sur le développement de véhicules tout électriques. Le premier qui arrivera sur le marché avec un véhicule d’une autonomie suffisante à un prix acceptable aura un avantage décisif. À la clé, ce sont des milliers d’emplois industriels en France qui sont en jeu. Le gouvernement, qui apporte son aide financière à Renault pour la mise au point du véhicule électrique, voit lui aussi sa politique industrielle menacée par de tels agissements. Le ministre de l’Industrie, Éric Besson, ne s’y est pas trompé, n’hésitant pas à employer le terme de « guerre économique » pour qualifier cette affaire, demandant que l’État renforce les obligations de protection des secrets industriels pour les entreprises qui font appel à ses financements pour innover.

 Le député du Tarn Bernard Carayon, auteur de deux rapports sur l’intelligence économique, évoque de son côté le développement des « agressions » contre les entreprises françaises et doit déposer une proposition de loi sur le « droit du secret des affaires »

 Ce n’est pas la première fois qu’une affaire d’espionnage industriel éclate au grand jour. Michelin avait déjoué il y a deux ans, avec l’aide de son concurrent japonais Bridgestone, une tentative semblable. Dans le domaine du luxe et de la mode, nos entreprises sont constamment en butte à des contrefaçons qui s’apparentent, elles aussi, à des agressions économiques. Que l’attaque soit d’origine chinoise ne laisse pas d’inquiéter. D’un côté, nos entreprises ont besoin de la croissance et du marché chinois pour se développer, mais doivent impérativement conserver la maîtrise de leurs technologies pour survivre face à la concurrence du géant asiatique. Entre fermeté et prudence, la voie est étroite.

 Les États européens sont dans la même situation inconfortable. Les Chinois n’achètent pas seulement nos secrets industriels mais aussi nos emprunts en euros. En matière économique, il n’est pas facile de trancher entre guerre et paix. »

L’Humanité : 13 janvier 2011

« Renseignement, la France sait faire »

 

« L’intelligence économique est très développée dans l’Hexagone et les principales entreprises du secteur ont connu une forte expansion dans les cinq dernières années.

Les entreprises françaises, victimes, les pauvres, de l’espionnage industriel? Pas si simple. Depuis quelques jours, le gouvernement sonne le tocsin. C’est la guerre, carrément. «Renault, comme d’autres, est victime d’une guerre économique», affirmait mardi le porte-parole François Baroin, au micro d’Europe 1, reprenant l’expression utilisée par le ministre de l’Industrie, Éric Besson. Et la ministre de l’Économie, Christine Lagarde, a appelé hier les entreprises françaises à prendre «des dispositions pour se défendre». Sauf que la France se débrouille déjà très bien en intelligence économique.

«Nous sommes plus développés que les autres pays, confirme Olivier Darrason, président de la Compagnie européenne d’intelligence stratégique (Ceis), une des trois sociétés leaders du secteur, avec Geos et l’Agence pour la diffusion de l’information technologique (Adit). Les administrations s’y sont mises depuis les années 1990, des programmes de prévention ont été créés. Il reste des zones vulnérables, mais surtout dans les PME ou les pôles de compétitivité.» Dans les entreprises du CAC 40, les secrets sont très bien gardés. «Un cas comme celui de Renault, s’il est avéré, est extrêmement rare», estime Olivier Darrason.

«Les entreprises du secteur ont connu un fort essor les cinq dernières années, explique Christian Harbulot, directeur de l’École de guerre économique. Les leaders du secteur ont un chiffre d’affaires supérieur à 10millions d’euros.» Mais selon lui, «des efforts restent à faire, notamment dans les relations avec l’Asie». Et tandis que le député UMP Bernard Carayon a redéposé mardi sa proposition de loi visant à instaurer un «secret des affaires», les déboires de Renault sont une bonne occasion pour promouvoir l’intelligence économique à la française. «Cette affaire est un choc qui peut être utile et avoir des vertus pédagogiques», se félicite Christian Harbulot.

« La France est l’empire du mal en ce qui concerne le vol de technologies », accusait le dirigeant d’un groupe allemand cité par une note diplomatique obtenue par WikiLeaks. «La France est un pays respectueux des lois, mais ce n’est pas un pays naïf. C’est un pays capable et volontaire», modère Olivier Darrason. »

Le Monde.fr : 14 janvier 2011

« Espionnage industriel : « La France n’a pas d’outils adaptés pour réagir » »

 

« Ali Laïdi, expert des questions d’intelligence économique au sein de l’Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS), décrypte les possibles implications diplomatiques de cette affaire.

Dans l’affaire de l’espionnage industriel par trois employés de Renault, la piste chinoise vous semble-t-elle crédible ?

Au regard de tous les éléments dont nous disposons aujourd’hui, on sait que la piste chinoise est crédible car d’une part, le gouvernement a demandé aux services de renseignements généraux de travailler sur cette piste-là. Par ailleurs, plusieurs précédents attestent de l’intérêt porté par la Chine à l’espionnage de technologie automobile, à l’instar du dernier cas retentissant de la stagiaire chinoise dans la société Valeo qui a été condamnée pour « abus de confiance » pour avoir récupéré dans son disque dur des milliers de données de l’équipementier automobile.

Enfin, de manière générale, il suffit de regarder quelles nations peuvent être intéressées à récupérer de la technologie automobile. Les seules nations qui cherchent à prendre des parts de marché à des secteurs matures de l’automobile que sont la France, l’Allemagne et les Etats-Unis et qui ont, à cette fin, besoin de passer un cap technologique pour compenser le retard qu’elles ont dans le secteur des moteurs traditionnels, sont l’Inde et la Chine. Or, elles ne peuvent compenser ce retard qu’en acquérant la technologie électrique.

Que vous inspire la réaction de la Chine qui s’offusque de la mise en cause de ses entreprises dans cette affaire d’espionnage industriel ? Cela traduit-il le rôle de l’Etat lui-même ?

Les Etats ont toujours été partie prenante dans les problématiques économiques. Ils ont toujours été des acteurs qui permettent de « booster », favoriser ou protéger un secteur, en allant notamment chercher des informations chez les autres Etats. Ce rôle a été remis en cause depuis une vingtaine d’années par le rejet du rôle de l’Etat par la théorie libérale. Mais ce rôle est toujours présent, et ce d’autant plus en Chine, où il n’existe pas de secteur privé de l’information.

C’est un domaine très sensible en Chine. Seul le parti unique peut chercher des informations, donc il n’est pas possible que des acteurs privés fassent du renseignement. Aucune entreprise chinoise de taille importante ne possède de services pour faire de l’espionnage pour son propre compte sans l’aval du Parti communiste chinois. C’est très différent des Etats-Unis ou de l’Europe où certaines sociétés possèdent leur département d’intelligence économique, et où il existe également des prestataires privés, comme des sociétés d’intelligence économique, qui font de la recherche d’informations pour de grandes entreprises du CAC 40.

La Chine est par ailleurs souvent pointée du doigt pour espionnage industriel par les Occidentaux, ainsi que sur la cyber-sécurité, avec des attaques sur les réseaux informatiques.

Selon vous, pourquoi la France a-t-elle choisi de faire profil bas face à la mise en cause de la Chine dans cette affaire ?

Sur le continent européen, la France est le pays qui a pris la question de l’espionnage industriel le plus à bras-le-corps depuis 1994 et l’un des rares pays qui dispose d’un délégué interministériel à l’intelligence économique. Mais, dans le monde qui s’est dessiné à la chute du mur de Berlin en 1989, les guerriers étaient le Japon et les Etats-Unis avec des systèmes d’intelligence économique très protectionnistes et agressifs. Aujourd’hui, la Chine a une politique très agressive, de même que la Russie. Demain, ce seront le Brésil et l’Inde. Sur le plan mondial, la France est timorée dans ce domaine et la seule solution pour elle est de passer par Bruxelles car elle n’a pas d’outils adaptés pour réagir, à la différence des pays anglo-saxons où la question est prise au sérieux au plus haut niveau de l’exécutif, à l’instar de la Maison Blanche aux Etats-Unis.

Si la piste chinoise était confirmée, la France pourrait condamner les Français qui se sont compromis dans cette histoire et continuer la sensibilisation au sein des entreprises françaises. Elle devrait également, comme elle l’a annoncé en décembre, créer une loi qui institue un secret des affaires. Mais que voulez-vous qu’elle fasse d’autre face à un pays qui est susceptible d’acheter des TGV ? Il s’agit donc essentiellement d’envoyer un message du type « on sait, alors calmez-vous car il y a des choses qui ne se font pas », afin de rappeler à l’ordre le pays concerné pour qu’il revienne dans le droit chemin. »

Les Echos.fr : 20 janvier 2011

« Espionnage : le SYNFIE sévère avec l’approche de Renault »

 

« Le président du Syndicat Français de l’Intelligence économique (SYNFIE), Hervé Séveno , a critiqué Renault ce jeudi pour sa gestion de l’affaire d’espionnage présumé qui secoue le constructeur.

Une affaire « nébuleuse » gérée de façon «hasardeuse ». Le président du tout nouveau Syndicat  Français de l’Intelligence économique (SYNFIE), Hervé Séveno , a critiqué  Renault ce jeudi pour sa gestion de  l’affaire d’espionnage présumé qui secoue le constructeur français.  

« C’est un cas d’école de ce qu’il ne faut pas faire », a estimé ce spécialiste de l’intelligence économique  par ailleurs président du cabinet de conseil en stratégie opérationnelle, i2f, jugeant « surprenant » le profil des intervenants et des moyens déployés dans ce cadre.  Le constructeur, qui vient de licencier trois salariés de haut niveau suspectés d’être liés à des faits « d’espionnage industriel, de corruption, d’abus de confiance, de vol et recel, commis en bande organisée » contre lesquels le groupe a déposé une plainte contre X  le 13 janvier dernier.

« Une telle affaire nécessite de disposer d’éléments juridiquement opposables et d’étudier toutes les hypothèses », a expliqué  Hervé Seveno. Y compris, celle « pas idiote » d’une atteinte extérieure visant à mettre en cause des cadres pour nuire au projet de véhicules électriques du constructeur voire les stopper, a-t-il estimé. Une thèse également défendue par de l’un des trois salariés licenciés par Renault.

Publicité désastreuse

Or, « J’aimerais savoir comment avec une enveloppe de 50.000 euros, on arrive à obtenir des éléments tangibles dans une affaire de cette dimension » , s’est-il interrogé en estimant « peu crédible » la somme qu’aurait versée Renault à un enquêteur privé dans le cadre d’une investigation impliquant apparemment des recherches internationales.

Et de s’étonner encore que,  « alors qu’il dispose du bras armé de la DCRI », Renault n’ait pas plutôt sollicité les services de l’Etat, pour que ces derniers interviennent avec leurs moyens et leurs prérogatives dans le cadre d’une enquête préliminaire. Et ce, d’autant plus que, dans ce cas, les avocats de la partie adverse n’ont pas accès au dossier. « Ce qui permet ad minima , dans un premier temps, d’éviter les fuites».

« La logique eut voulu que la DCRI soit saisie. Qui plus est dans le cas d’une entreprise comme Renault dont l’Etat est actionnaire à 15 %. , a-t-il souligné. Pour le coup, seraient peut-être apparus des éléments plus tangibles et davantage opposables que ceux apparemment versés au dossier et qui semblent se résumer essentiellement à une allusion à une dénonciation anonyme», a-t-il insisté.

Renault ayant déposé plainte, il appartient maintenant à la justice de déterminer la nature de la chaîne de responsabilités, notamment hors de l’entreprise. Car, « dans les affaires d’espionnage, je n’ai jamais vu d’actes d’isolés » a-t-il expliqué. Mais s’agissant d’une plainte simple sans ouverture d’information judiciaire et le huis clos ne s’appliquant pas, pour l’heure, au secret des affaires, a déploré Hervé Seveno, Renault va désormais devoir affronter de la publicité de la procédure. Cela alors que l’affaire s’annonce déjà « désastreuse aussi bien en interne où elle va laisser des traces en matière de management qu’à l’extérieur du point de vue de l’image » »                 

Intelligence Online : 20 janvier 2011

« Wang Yong, l’espion des groupes d’Etat chinois »

 

« La collecte de renseignements sur les processus de fabrication des batteries électriques est coordonnée par la Sasac, l’agence des participations de l’Etat chinois.

Accusée d’avoir acheté des informations sur les secrets de fabrication des batteries électriques développées par Renault (lire p.1), la Chine dispose effectivement d’un réseau de renseignement très actif sur ce secteur, jugé stratégique par Pékin. Même si, dans le cas du constructeur automobile français, le rôle du renseignement chinois est difficile à établir.

Selon des informations rassemblées par Intelligence Online, le coordonnateur du renseignement industriel sur les batteries électriques est Wang Yong, qui est depuis août secrétaire de la State-Owned Assets Supervision & Administration Commission (Sasac), la holding qui gère les 150 sociétés publiques chinoises. Né en 1955 dans la province du Liaoning, au nord du pays, Wang Yong était auparavant responsable du 5e Bureau (chargé de l’intelligence économique) du Conseil d’Etat, le gouvernement chinois. Il est également membre de la commission centrale de discipline du Parti communiste chinois (PCC), aux côtés des principaux responsables des services de sécurité et de renseignement.

La voiture électrique est un dossier prioritaire pour les groupes d’Etat administrés par la Sasac. Seize d’entre eux sont directement impliqués dans ce secteur, en particulier le constructeur automobile Dongfeng, la société électrique Guojia Dianwang Gongsi (National Grid Corp.), mais également des entreprises à vocation militaire telles que Norinco et la China Poly Group Corp. Sous l’égide de la Sasac, une alliance industrielle pour la promotion en Chine des voitures électriques a récemment été mise en place et est dotée d’un budget R&D de 1,3 milliard $.

Pour hâter le développement d’une voiture électrique chinoise, Dongfeng et la municipalité de Canton ont signé un partenariat avec l’alliance Renault-Nissan en novembre 2009. Les fabricants français et japonais se sont engagés à ce que les modèles de la Leaf, la voiture électrique qu’ils mettront en vente en Chine à partir de l’an prochain, soient produits dans leur usine de Canton, et non importés. C’est pour ne pas voir le gigantesque marché chinois lui échapper que Renault-Nissan a accepté ces conditions, sans se faire d’illusion sur le risque de vols d’informations auquel l’expose l’assemblage de voitures électriques sur le territoire chinois. »

Aujourd’hui en France : 27 janvier 2011

« Affaire Renault : le parquet de Paris va enquêter à l’étranger »

 

« L’enquête pour « espionnage et corruption » visant trois cadres de Renault s’accélère. Le parquet de Paris a demandé la « coopération pénale » de plusieurs pays, notamment la Suisse. Objectif : identifier les comptes bancaires qui auraient pu être ouverts « par des agents corrupteurs » au profit de Matthieu Tenenbaum, Michel Balthazard et Bertrand Rochette, les cadres de Renault licenciés début janvier.

En attendant le résultat des investigations internationales, la Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI) multiplie les actes sur le territoire français. Les responsables de la sécurité de Renault ont ainsi été entendus la semaine dernière et, comme l’a révélé hier « le Parisien » – « Aujourd’hui en France », les ordinateurs des trois cadres suspects ont été saisis mardi soir lors d’une perquisition sur le site de Guyancourt (Yvelines). Malgré cela, de très nombreuses zones d’ombre continuent de planer sur le dossier.

La mystérieuse « source extérieure » de Renault

Alerté par deux lettres anonymes reçues à quatre mois d’intervalle, Renault lance une enquête fin août. En marge de ses investigations internes, le constructeur fait appel à une « source extérieure » qui, en quatre mois, réalise un tour de force : identifier à l’étranger les comptes bancaires destinés à recevoir l’argent de la corruption. L’identité de cette source extérieure est aujourd’hui le secret le mieux gardé de toute l’affaire. « Elle aurait été rémunérée via une société écran installée autour du bassin méditerranéen », croit savoir une source proche du dossier. La DCRI, qui souhaite entendre ce précieux informateur, se heurte de la part de Renault à un mur de silence. « L’énergie dépensée pour dissimuler son identité a de quoi rendre perplexe », ajoute un professionnel de l’intelligence économique.

Une volonté de discrétion

Les méthodes d’investigation de Renault auraient-elles été peu orthodoxes? « Ce qu’a fait Renault avant de saisir le parquet ne vaut rien, lâche un enquêteur. Il faut repartir à zéro. » Une chose est sûre : avant que l’affaire ne soit médiatisée, le constructeur automobile a tenté de régler les choses discrètement.

« La direction avait conscience d’être en face de quelque chose de très grave, indique Me Jean Reinhart, l’avocat de la firme. Mais elle ne voulait pas traumatiser ses cadres. Elle ne les considère pas comme des fraudeurs professionnels, mais considère qu’ils ont voulu saisir une occasion. »

Le 3 janvier, lors de leur mise à pied immédiate, les trois hommes se voient proposer un départ discret. « Vous gardez l’argent, vous démissionnez et on en reste là », aurait glissé le responsable juridique de Renault à l’issue de son entretien avec Matthieu Tenenbaum.

Les pistes envisagées

Véritable opération d’espionnage, menée au profit d’intérêts chinois? Tentative de déstabilisation commerciale orchestrée par un concurrent? Coup de pub risqué? Règlement de comptes interne? Dans un dossier où la rumeur règne, toutes les hypothèses sont envisagées. « Pour l’instant, nous n’avons aucune piste », s’agacent les enquêteurs. Chargé de la défense de Matthieu Tenenbaum, Me Thibault de Montbrial est formel : « Si Renault avait saisi la DCRI dès le début, on n’en serait pas là. Les soupçons auraient été levés, les trois cadres travailleraient toujours et personne n’aurait entendu parler de cette histoire. » »

1 commentaire pour La revue de presse de l’IE : mois de Janvier

  • Audrey

    J’ai un doute quant aux risques liés à la publication d’un mémoire à l’issue d’un stage de fin d’études. Les stagiaires sont censés être accompagné et leur travail supervisé par un responsable faisant partie de l’entreprise. Il appartient au maître de stage de veiller à la bonne rédaction du rapport de stage, dans l’intérêt de l’étudiant bien sûr, mais aussi de son entreprise !

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